Le Bois International - samedi 7 juillet 2018
Gros plan
Depuis 2009, Fibois Bourgogne-Franche-Comté agit pour l’utilisation du sapin du Jura dans la construction. Plus généralement, le bois local devient peu à peu un argument
de poids dans l’attribution de marchés publics, mais aussi auprès des particuliers qui font construire leur maison. Le circuit court a la cote sans être hors de prix. Exemples lors
d’une récente tournée de chantiers et de professionnels à Lons-le-Saunier.
De plus en plus de Français privilégient les circuits courts pour remplirleur frigo. Pourquoi ne pourrait-il en être de même avec le matériau bois ?
En France, construire avec du bois de pays est loin d’être la règle mais ce n’est pas non plus une utopie. La Bourgogne-Franche-Comté, qui détient une ressource riche et diversifiée, montre la marche à suivre. Dans le périmètre de Lons-le-Saunier, à quelques encablures du Haut-Jura et de ses forêts de sapin-épicéa, l’interprofession Fibois a déniché plusieurs exemples de chantiers et de professionnels qui ont fait le choix du circuit court.
Dans la proche banlieue de la cité jurasienne, Thierry Dubrulle est le PDG de Roch constructeur bois, une entreprise de taille moyenne qui fabrique une maison
bois par mois. Quand il l’a rachetée à son fondateur en 2007, Thierry Dubrulle s’est tout de suite posé la bonne question : “Pourquoi acheter du bois du Nord alors
qu’il y a des forêts autour de nous ? ” Il a entendu les arguments de la profession : le bois importé est moins cher, facile à commander, il est sec, raboté, donc plus facile à mettre en œuvre. Et pourtant, pour ses approvisionnements, le constructeur s’est tourné vers un scieur local, la scierie Grandpierre, en lui expliquant que des marchés étaient à prendre, simplement en séchant le bois. Et quelques 120 maisons plus tard, Roch continue de se fournir en bois local. La liste de ses fournisseurs s’est élargie aux fabricants locaux de produits techniques, comme Pro Lignum (25) ou Bois évolution (39) qui collent et aboutent le sapin et l’épicéa du Jura. Le constructeur trouve dans son environnement proche les poteaux, poutres et bois d’ossature qui composent la majorité de ses maisons individuelles.
Et ce n’est pas tout. Ayant fait le choix de la construction de qualité, il se fournit en menuiseries extérieures bois chez un fabricant de Champagnole (39). Les tuiles en terre cuite dont il couvre ses maisons sont produites à 10 km de chez lui et son isolant en fibre de bois provient de l’usine Pavatex, dans les Vosges. “Au début, j’y voyais surtout un intérêt écologique mais au fil du temps, ce qui me semble le plus important, ce sont les conséquences positives de mes choix sur l’emploi local.”
Un travail délibérément artisanal
Pas de course au profit ou au développement chez Roch. La “maison” privilégie les relations avec le client et le travail bien fait. L’atelier de 4.000 m2 fonctionne sans
machine à commande numérique. En cas de besoin, les pièces sont taillées chez un partenaire. Les murs d’ossature sont assemblés manuellement sur de simples tables. Avec ses 30 salariés, l’entreprise maîtrise toute la chaîne de la construction, depuis la conception jusqu’à la pose. Augmenter le chiffre d’affaires n’est pas un objectif en soi. Il progresse naturellement et sans effort de 5 à 10% par an. “Je pense que je vendrais autant de maisons avec du bois du Nord, mais je n’aurais pas les mêmes clients. Travailler avec du bois local renforce la confiance du client. Certains, d’ailleurs, signent chez nous sans mise en concurrence.” Le surcoût bois local est dérisoire : il est estimé à 200 euros sur une maison de 250.000 euros.
En octobre 2017, Thierry Dubrulle a réalisé un rêve d’enfant : s’acheter une forêt. Il a acquis à Saint-Claude un bois de 10 hectares en régénération après une coupe rase réalisée 15 ans auparavant. L’entrepreneur a décidé de laisser faire la nature et de s’orienter vers la futaie jardinée afin d’avoir “une empreinte sur la gestion de la forêt ”. Voilà quelques semaines, il y a rassemblé 70 de ses clients pour fêter ses 10 années d’activité et il a expliqué comment fonctionnait la forêt. Cette démarche rare souligne les exigences du constructeur et sa volonté d’inscrire son travail dans une chaîne de valeur de proximité.